Eclipse de Soleil du 29 Mars 2006
Spectroscopie à la webcam
par Alain Klotz
Vous pourrez retrouver les autres résultats de notre groupe
d'observations en cliquant sur les liens suivants;
Valérie
Desnoux
Christian
Buil
1. Localisation
Turquie: Gundogdu Beldesi Dikilitas près de la ville de Side
lon 31°17' 45.0" E (31.283333)
lat 36°49' 05.1" N (36.816667)
alt 15 mètres
Le site est indiqué par la flèche rouge. Il est situé
à moins de 5 kilomètres de la ligne de centralité.
A noter que nous avions placé un thermomètre à
l'ombre de la maison adjascente au terrain d'observation. Voici la courbe de température:
2. Le matériel de l'expérience
L'idée est de mener une expérience de façon automatique
pendant je j'observais visuellement l'éclipse avec des jumelles.
De plus, je n'ai emporté que la webcam, son petit trépied,
du ruban adhésif, un bout de tuyau et le PC portable d'acquisition.
Christian Buil m'a prété les deux réseaux de diffraction
qui ont complétés l'expérience.
Le but de cette expérience est de montrer que l'on peut obtenir
un résultat joli, amusant, voire pédagogique, à l'aide
d'une webcam ToUcam Philips munie de deux réseaux de diffraction
de 100 et 300 traits/mm placés en avant de l'objectif d'origine. Les
deux réseaux sont placés de façon à ce que leurs
traits soient perpendiculaires l'un à l'autre. On obtient ainsi de
nombreux spectres grâce à cette configuration dite "croisée".
C'est le principe de base des spectrographes échelle
utilisés pour la détection des exoplanètes par la méthode
de vélocimétrie.
J'ai trouvé sur place : des briques, un bout de moquette et
un ruban vert (le site d'observation était une véritable décharge
!).
Vue de côté : la webcam est le petit boitier blanc. Son
trépied soutient la brique qui sert de berceau et permet de régler
la hauteur sur l'horizon. La brique arrière évite à
la webcam de tomber en arrière. Le tout est posé sur le toit
de notre voiture de location.
Vue de devant : du papier mylar (Astro Solar Baader foto film densité
3,8) fixé devant les réseaux permet d'obtenir un spectre
du soleil non saturé hors éclipe.
Vue de devant : Le papier mylar a été retiré
et l'on voit les réseaux fixés à l'entrée
du tube entourant l'objectif de la webcam. C'est dans ces conditions qu'on
été prises les images de l'éclipse.
3. L'acquisition des images
L'acquisition s'est réalisée complètement automatiquement
car la webcam était piloté par le logiciel AudeLA et un script
préparé spécialement pour l'occasion.
En résumé, voici la séquence d'acquisition:
De 95 à 45 secondes avant le début de la totalité
: série de 20 poses individuelles avec tous réglages automatiques
De 45 secondes avant jusqu'à 45 sec. après le début
de la totalité : film avec tous réglages automatiques
De 45 sec. après le début de la totalité jusqu'à
45 avant la fin de la totalité : série de 47 poses individuelles
avec tous réglages automatiques
De 45 secondes avant jusqu'à 45 sec. après la fin de
la totalité : film avec tous réglages automatiques
A noter que la manipe a été répétée
une dizaine de fois la veille et deux fois 3 heures avant le début
de l'éclipse.
4. Les images observées
4.1. Juste avant la totalité
Le spectre est dominé par l'émission continue du dernier
croissant de Soleil. L'image ci dessous est la somme des 20 images individuelles.
J'ai incliné l'axe de dispersion de façon à éviter
que les trainées d'éblouissement ne se chevauchent de trop.
De plus, cela permet de voir l'ordre 3 du réseau 300 tr/mm jusqu'au
bout (en bas à droite).
4.2. Le film de 90 secondes de l'entrée dans l'ombre
Le spectre change radicalement d'aspect. Pendant les premières
secondes de la totalité, on notera la disparition du continuum de
la photosphère et l'apparition de petits points brillants correspondant
à l'émission discrète des atomes excités dans
les protubérences de la chromosphère. C'est le spectre éclair.
Ces points disparaissent ensuite car la Lune recouvre alors complètement
la chromosphère solaire. L'image ci-dessous montre ce moment de
transition:
Cliquer ici pour télécharger
le film (16 Mo)
4.3. Pendant la totalité
Le spectre est dominé par l'émission continue de la
couronne solaire. L'image ci dessous est la somme des 47 images individuelles.
La caméra n'est pas assez sensible pour voir l'émission discrète
de la couronne. Dans le cas d'une éclipse plus courte durée,
la Lune déborderait moins de la surface solaire et les points brillants
correspondants aux protubérence seraient alors visibles tout le
temps. Le cas limite correspond à une éclipse qui dure environ
2.5min. Voir la page
de Christian Buil dans le cas de l'éclipse de 1999.
4.4. Le film de 90 secondes de la sortie de l'ombre
C'est la même chose que le film précédent mais
l'ordre des événements est inversé. L'image ci-dessous
montre ce moment de transition. Remarquer que les points brillants apparaissent
de l'autre côté du spectre (du côté où
réapparaît le Soleil):
Cliquer ici pour télécharger
le film (16 Mo)
5. L'analyse du phénomène
5.1. Chronologie des événements observés
Symboles utilisés:
DC = deuxième contact (début de la totalité)
ME = milieu de l'éclipse
TC = troisième contact (fin de la totalité)
DS = Diamètre solaire = 1922.97 arcsec (=1,4 millions de kilomètres).
DL = Diamètre luniare = 2018.47 arcsec
Durée de l'éclipse = 225 secondes
(DL-DS)/2 = 47.75 arcsec = 34764 km. Altitude de l'atmosphère solaire
cachée au moment du maximum de la totalité.
Les conversions en altitude ont une incertitude de +/- 300km (=distance
parcourue par la Lune en une seconde, à l'échelle du diamètre
solaire pris égal à 1,4 millions de kilomètres).
Chronologie :
[DC+0s ; DC+17s] = {0 ; 5300 km} = spectre continu. Diffusion de la lumière
de la photosphèredans les basses couches de la chromosphère
?
[DC+17s ; DC+28s] = {5300 ; 8700 km} = spectre discret dominé par
les protubérences de la chromosphère (spectre éclair)
[DC+28s ; ME] = {8700 ; 35000 km} = spectre continu de la couronne
[ME ; TC-25s] = {35000 ; 7800 km} = spectre continu de la couronne
[TC-25s ; TC-14s] = {7800 ; 4300 km} = spectre discret dominé par
les protubérences de la chromosphère (spectre éclair)
[TC-14s ; TC-0s] = {4300 ; 0 km} = spectre continu. Diffusion de la lumière
de la photosphèredans les basses couches de la chromosphère
?
5.2. Détermination de l'altitude des protubérences
La chromosphère correspond à la couche dont le spectre est
dominé par les émissions discrètes des protubérences.
Cela correspond à une altitude comprise entre 4300 et 8700 km au
regard de l'analyse des événements observés sur les
films de la webcam.
Lors de notre observation de l'éclipse de 1999 à Rethel,
les protubérences étaient visibles pendant toute la durée
de la totalité. Pour cette éclipse, (DL-DS)/2 = 26.4 arcsec
= 19512 km. Les protubérences du Soleil actif de 1999 s'élevaient
donc beacoup plus haut que celles du solail calme de 2006.
5.3. Analyse du spectre éclair
Le spectre a été extrait de l'image d'entrée. Les identifications
ont été faites grâce à l'article de C.
Corbally, "A Solar Flash Spectrum for 26th February, 1979" paru dans Journal
of the Royal Astronomical Society of Canada, Vol. 73, p.263. Nous avons
analysé le spectre du troisième ordre du réseau 300
tr/mm et d'ordre 1 du réseau 100 tr/mm. La dispersion est d'environ
11 Angströms/pixel. On remarque clairement la raie de l'Helium à
5876 Angströms qui fut celle qui permis de découvrir
l'existence de cet élément lors de l'éclipse du 18 Août
1868 obsevée par Janssen.